Il y a 52 ans...
Sans posséder encore le statut pro, lUA Sedan-Torcy a bien souvent fait trembler des équipes huppées et ce en coupe de France. Réputés pour être des « ardents Ardennais », les poulains de Louis Dugauguez ont connu des jours de gloire mais il est arrivé aussi quils se soient fait éliminer la
tête haute. Ce fut le cas lors de la saison 1951-52 face au club doyen français. Il y a ,déjà, 52 ans ! Ayant échoué les saisons précédentes devant des ténors qui se nomment Lille, Reims et Saint-Étienne, la formation ardennaise qui shonore dêtre championne amateur a lambition de réaliser un parcours élogieux. Pour cela, les frères Laurant nhésitent pas à enrôler, malgré leurs modestes moyens, Alexanderek, Baudier, le gardien Drabant ainsi que Coader, un avant centre caennais.
Le capitaine-joueur-entraîneur Louis Dugauguez se voit remettre le « Challenge Jules Rimet » juste avant un match amical au cours duquel les professionnels valenciennois viennent simposer largement à Emile-Albeau (1-7). Malgré la déroute, le moral des Ardennais n'est pas atteint.
En CFA, les matches aller ont pris fin et, comme par enchantement, lUAST continue de surprendre. On ne voit pas qui pourrait stopper les Sedanais dans leur élan.
Dès les premiers frimas, place à la coupe de France et les supporters sont plus que jamais derrière une équipe nullement complexée devant des adversaires de poids.
Dès le 5 ème tour, le tirage est somme toute favorable aux Sedanais qui ont lavantage de recevoir Longwy écarté sans ménagement : 3-0. Robert Carpentier et Mathieu ,deux buts dont un sur penalty, sont passés par-là
Allez, au suivant !
Grande première en terre ardennaise avec la venue de Villejuif-Kremlin-Lutecia Sportif qui se défend bec et ongles mais, en définitive, lhôte passe aussi à la trappe (4-3), Daniel Carpentier (2), Mathieu et Chrétien ayant été son bourreau.
Avec les 32 èmes de finale, cest lentrée en lice des équipes pros. Est-il souhaitable de voir les « footballeurs ouvriers » affronter à nouveau un « Petit » dans lespoir de poursuivre la route ou bien pourquoi ne pas sétalonner devant un « gros calibre » qui ne partirait pas obligatoirement favori ?
Une fois nest pas coutume, les Sedanais ne sont pas les seuls Ardennais à briller dans cette épreuve nationale. En effet, lES Pure, avec ses « vedettes » de lépoque que sont Pascal -futur sedanais réputé pour son courage et sa ténacité accrocheuse- mais aussi Krejci, ex-pro carolopolitain, Lopez -qui fit le bonheur des Chamois Niortais-, Sabbadin, Purotin de toujours, Résibois -capitaine et stratège de léquipe- et consorts, est toujours en course. Mais, le restera-t-elle au soir du 13 janvier 52 car ladversaire a une sacrée carte de visite avec son statut déquipe de seconde division : lAS Monaco !
Et Sedan ? Le couperet est tombé : ce sera Le Havre et le terrain désigné se situe à Lille. La tâche est pour le moins ardue mais, sait-on jamais ? Au stade Henri-Jorris, ladversaire normand est tout simplement leader du championnat de France professionnel de division nationale. Un sacré « client » !
A la veille du « choc » tant attendu, les supporters ardennais sont nombreux à avoir en poche le précieux billet leur permettant de monter dans le train spécial qui démarrera de Sedan et sarrêtera à Charleville, Liart, Hirson et Givet. Il est rappelé aussi que quelques places sont encore disponibles dans le « Car Bailly » qui doit rallier la capitale des Flandres. Maintes voitures vont séchelonner sur les routes pavées du Nord. Pour les autres, le transistor sera collé à loreille
Sous le ton de la plaisanterie, Maurice Laurant savance devant « Msieur Louis » en ces termes « lorsque nous irons à Paris lors du prochain tirage
» et la réponse fuse « nous ferons de notre mieux devant les Havrais
Attendons
»
En dernière heure, on apprend quun nouveau contingent de billets de tribunes a été délivré à lUAST et cest M. Yvé qui en dispose. Une certitude : le détenteur de la coupe de France des amateurs sera soutenu par une cohorte de supporters dont les clameurs, assure « LArdennais » ,iront droit au cur des « vaillants sangliers » prêts à livrer un combat inégal mais sûrement pas battus davance.
« Les chapeliers et les bazars, tous ceux qui ont en réserve des coiffures et des drapeaux « vert et rouge » ont vu leurs stocks dévalisés » assure Marcel Perrier dans « LUnion ».
Curieusement, le lendemain du match, Sedan pas plus que Pure nest à la une de « LArdennais ». En fin de journal, en page « Sports », on apprend quà Bourg-en-Bresse, lUS Pure a bien résisté à Monaco mais a été sévèrement battu (4-0) et, sur huit colonnes, « Sedan tient Le Havre en échec durant 100 minutes au cours des 32 èmes de finale de la coupe de France. Un penalty permet au leader de la division nationale de mettre fin ,par 2 à 1, à la carrière du valeureux Onze de Dugauguez ».
Pour M. Christophe, lenvoyé spécial de « LArdennais », « la tempête venait des Ardennes
et Le Havre a tremblé devant Sedan déchaîné ». 7 713 spectateurs peuvent en témoigner ! Le temps est ensoleillé à lentrée des vingt deux acteurs. Côté sedanais, ce sont Roman, Daniel Carpentier, Nicolas, Sereck, Eloy, Czecaj, Mathieu, Dugauguez, Freszack, Chrétien et Robert qui vont tenter lexploit alors que chez les Havrais, on aligne Rumiski, Albénasi, Devroedt, Massouna, Bihel, Mathiensen, Saunier, Valorizek, Merseman, Stricanne et Lombardini.
Décontractés, les Sedanais entament la partie très confiants, donnant une belle réplique tout en jouant avec une défense prudente. Leurs contre-attaques sèment plus dune fois le désarroi dans larrière défense des « Marines ». Le tournant du match se situe à la 25 ème minute quand M.Wilson, de la Ligue du Nord et dont larbitrage est qualifié d « incohérent » ,« déplorable » même, siffle un penalty en faveur des Ardennais à la suite dun fauchage en règle de Mathieu par Albanési. Mathieu voit sa balle, très bien placée, repoussée par langle gauche de la transversale au grand désappointement des quelques 2 000 supporters ardennais.
Piqués à vif, les pros vont réagir violemment mais la mi-temps intervient sur un score nul et vierge.
Follement encouragés, les Sedanais reprennent le match et subissent alors une forte pression adverse. Acculé, Sedan ne procède plus que par à coups
« Et cest le drame » écrit « LArdennais » car Stricanne ouvre le score (80e). Nullement découragés, les amateurs sedanais repartent de lavant et Ruminski est à son tour à louvrage. Mot dordre : défense serrée et très virile chez les pros pour endiguer des percées déconcertantes dun Robert et dun Mathieu bien soutenus par Sereck et Czekaj inlassables
Il reste quatre minutes à jouer quand Dugauguez tire magnifiquement un coup franc qui surprend toute la défense havraise et Sereck surgit pour marquer à bout portant !
« Cest une ovation monstre qui salue légalisation ardennaise » peut-on lire.
Il faut jouer les prolongations et on craint la fatigue dans le camp sedanais.
Centre havrais et Carpentier saute pour reprendre du crâne mais la balle touche sa main et cest le penalty. On emmène le brave Daniel, pris de crampes, sur une civière et Walloryseck bat Roman en force (100e).
La fin du match est pathétique : Bigot, lentraîneur havrais, pénètre sur le terrain, menace Dugauguez qui vient davoir la pommette gauche ouverte, insulte les dirigeants sedanais sous lil complaisant de larbitre !..
Les Ardennais jettent leurs dernières forces dans la bataille . Quant aux Havrais, ils sont massés devant leur cage afin de préserver lessentiel -la qualification- et ils y parviennent.
Au coup de sifflet final, le public, enthousiaste, ovationne des « ardents Ardennais » pour qui la « belle aventure » prend fin
Jacques de Ryswick, dans « LEquipe », affirme que « Sedan a énergiquement défendu son titre de porte-drapeau des amateurs » et, dans le même journal, Gabriel Hanot écrit « on peut se demander ce qui serait advenu si les Ardennais navaient pas manqué le penalty qui leur avait été accordé en première mi-temps » ; dans « Le Parisien Libéré », on lit « Le Havre a été accroché par Sedan qui a justifié sa réputation déquipe de coupe » ; dans « LAurore », Edgard Lenglet sexprime ainsi « Sedan au grand cur aurait pu, aussi bien, lemporter » et, enfin, dans « La Voix des Sports », A.Charlet ne manque pas de relater le but égalisateur inscrit par Carpentier mais refusé on ne sait trop pourquoi et conclue de façon élogieuse pour les Ardennais : « Sedan, qui nest pas une équipe ordinaire, disparaît en beauté et on ne peut se dispenser de rendre hommage à son courage malheureux ».
Claude Lambert
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